Pour donner un peu d'épaisseur à ma grosse brute, qui a bien du mal à exister dans l'ombre des oreilles du Squeek, j'ai décidé de lui fabriquer une petite histoire très classique, loin des goguenardes pitreries sapeekiennes.
C'est que je m'y suis attaché, moi, à mon Nou(n)rs
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Les sombres taches de sang dessinaient des motifs compliqués dans la neige fraiche. Un genou à terre, le visage penché vers le sol, Avanaco semblait hypnotisé par le dessin écarlate. Il y devinait le brouillon d'une gueule de dragon. Les orbites, figurées par deux taches émeraudes plus larges, avaient fait fondre la neige sur quelques centimètres. Et ces yeux imaginaires grandissaient lentement sous lui, à mesure qu'il perdait ses forces et que son coeur battait plus fort.
Il tenta de se relever. Une douleur déchirante au coté lui fit tourner la tête. Le sang coula plus épais, noyant au sol l'image déjà troublée du dragon. Et il s'effondra complètement.
A demi inconscient, il sentit la neige lui glacer le ventre. Puis il eut plus froid encore : Une ombre immense, masquant le soleil, s'éleva au dessus de lui.
Epuisé, presque docile, il attendit que le dernier coup s'abatte...
Avanaco se réveilla brusquement. Le corps couvert de sueur.
Il n'avait pas crié. Un Norn ne crie que dans la bataille. Ou s'il le fait au lit, c'est pour de bien plus prosaïques raisons.
Il poussa les couvertures de peaux et s'assit sur le bord du lit. Ce songe nocturne constituait un bien sombre présage : Les mises en garde de l'Ourse ne sont jamais vaines.
Sa mère entra dans la cabane et le regarda avec gravité. "Je t'ai préparé quelques tranches de skelk grillé. Viens, ton père est debout depuis plusieurs heures. Il veut te parler avant ton départ."
Avant ton départ... Cette phrase sonnait comme une menace aux oreilles du garçon, pas encore tout à fait débarrassé des impressions de son rêve matinal.
Il se leva et poussa la porte.
Semblable à tous les jours, la plaine neigeuse s'étendait devant lui, barrée à l'horizon par la forêt de sapins où, encore enfant, il allait jouer aux chasseurs avec ses amis.
Ragaillardi par le froid piquant, et rassuré par la vue familière, Avanaco sentit s'évanouir les dernières bribes du cauchemar.
Il s'avança vers la table, s'assit, et saisit une tranche de skelk qu'il porta à sa bouche.
Son père le regardait. Sans un mot, il posa un sac à dos et une épée sur la table et les poussa vers son fils. "Reviens en Norn.... Ou ne reviens pas."
Avanaco sentit une boule se former dans sa gorge. Il posa sa main sur la garde de l'épée et la souleva. Si la garde de cuir semblait usée, la lame, en revanche, était parfaitement aiguisée. Il se leva et fit quelques mouvements fendant l'air. Elle était bien équilibrée. Elle ferait une bonne compagne.
Il la passa à sa ceinture et ouvrit le sac. Il contenait de la viande séchée, quelques allumettes asura, des onguents et une longue veste matelassée.
Il saisit une dernière tranche de skelk et mit le sac sur son dos. Puis, résistant à l'envie de se retourner vers sa mère, à la vue de laquelle, il en était sur, il fondrait en larme, il s'éloigna vers la forêt.
C'était la fin de l'hiver. La fin de son quatorzième hiver plus précisément. Et à cet âge, chez les Norns, il fallait devenir un homme.
Après quelques kilomètres d'une marche pénible dans la neige épaisse, il atteignit le lieu dit du "bec de la hulotte". Il passa une barrière de bois vermoulu et s'avança jusqu'à la cabane de bucheron qui marquait l'entrée de la forêt. Sur le banc jouxtant la maison, il aperçut enfin Thorguiln et Glorilin.
Thorguiln était flanqué de Scotch, son fidèle hamster, qu'il avait revêtu d'une armure mi-cuir mi-sparadrap, confectionnée à la hâte. Avanaco sourit.
Ils n'avaient peut-être pas tort, les vieux du village, quand ils disaient que Thorguiln était un peu étrange. Mais c'était un bon copain. Et il était venu. Et si l'on s'étonnait du comportement de Thorguiln, alors que dire de Glorilin, qui faisait sortir des entrailles de la terres tout un tas de machins morts et peu ragoutants ?
Les trois amis se saluèrent, puis, après avoir comparé le contenu de leurs sacs -Glorilin avait des crêpes au chocolat et Thorguiln un petit tonnelet de brune- ils se dirigèrent vers le centre de la forêt.
A mesure qu'ils s'enfonçaient, la forêt devenait plus sombre. Bientot, l'enchevêtrement de branches au dessus de leurs têtes finit par faire totalement disparaitre le ciel.
Jamais ils n'étaient allé aussi loin. Et tout Norns qu'il étaient, ils restaient des enfants, et ils ne se sentaient pas vraiment rassurés.
Les arbres bruissaient, comme animés d'une vie propre, et les cris des bêtes sauvages, qu'on trouve charmant lorsqu'on les entend à travers les murs d'une maison, prenaient, dans cette obscurité, une dimension bien plus inquiétante.
Puis, progressivement, le ciel réapparut à travers les arbres, et les troncs s'espacèrent. Devant eux, une immense clairière faisait comme un trou béant dans la forêt. Et en son centre se déroulait le plus étrange des spectacles.
Une dizaine de golems, main dans la main, formaient une ronde et grinçaient doucement au son d'une musique lascive. Au milieu d'eux, un asura magnifique, les oreilles faisant comme des volutes sur son front d'airain les regardait d'un air doux et protecteur. Et son bâton étincelait de mille feux... Heu... Nan, en fait, j'déconne... Chuis désolé. Nan mais vraiment hein ! C'est Sapeek. Il voulait que je mette un truc. Mais lache mon stylo. t'es pénible hein ! Bon... Reprenons...
Au milieu de la clairière se dressait un rocher immense, creusé d'une grotte profonde et sombre. Et à son seuil, les cadavres putréfiés d'innombrables soldats jonchaient le sol. Ah c'est malin Sapeek. Avec tes idioties je deviens grandiloquent. T'es vraiment chiant hein !
Donc bref, y'a une grotte et dedans y'a un ours et il faut le tuer et pis comme ça, hop, tu deviens un homme et tu rentres à la maison, tu rencontres une princesse, et t'as plein de p'tits norns et voilà. Il m'énerve. mais arrête avec ce stylo enfin !
ah ouais, pis au fait pour le cauchemar en fait c'était bien un présage mais en fait c'est l'ours qui vit sa mort. Pas Avanaco. Avanaco il gagne à la fin. nan mais j'préfère préciser. on sait jamais. Au cas où y'en a qui voulait quand même savoir la fin.
Boooooooon...... Viens là Sapeek, j'ai deux mots à te dire...